J’ai adoré Inscryption. Jeu vidéo dont le concept s’appuie sur les règles d’un jeu de cartes, unique en son genre, et je crois pouvoir dire sans trop me tromper qu’il a marqué les esprits de nombreux joueurs. Avec son ambiance mystérieuse et son style visuel déroutant, il nous entraîne dans un univers avec une ambiance vraiment singulière.
Le jeu m’a longtemps marqué après y avoir joué, et je me suis demandé pourquoi. Maintenant que j’y ai beaucoup réfléchi, je pense avoir l’ébauche d’une réponse…
La cabane, son mystère, son vide et son silence troublant, peut-être que j’y vois une métaphore de l’enfermement mental. Elle incarne un lieu sans repères, où le temps se dilue, et où chaque instant semble prolonger l’angoisse d’être piégé dans une boucle sans fin. J’ai un peu d’appréhension, mais il est temps de retourner au cœur de cette cabane pour y explorer ce qu’elle peut révéler sur mon propre état d’esprit.

La cabane : l’espace mental de la crise

L’ombre de la désorientation

Dès les premières secondes, l’absence de repères visuels dans la cabane est déstabilisante. Je suis plongé dans une obscurité quasi totale, avec pour seul guide la lueur froide d’une table de jeu. Cet espace est flou, sans contour défini. J’évolue dans un lieu sans sortie apparente, où chaque détail, chaque coin semble encore plus menaçant du fait de son invisibilité.
L’absence de repères clairs me fait penser à mon état mental lorsque j’ai l’impression de perdre pied. Vous savez, cette seconde trop longue qui précède les crises d’angoisse… Lorsque les frontières de la réalité deviennent floues, la désorientation s’installe, et tout, petit à petit, se déforme. La cabane m’emprisonne, et j’ai soudain le sentiment d’être coupé de tout repère extérieur.

La bande-son comme corde de sauvetage

Je pense que la bande-son d’Inscryption m’aide un peu à échapper à une chute sans fin dans mes pires angoisses. Elle n’est pas rassurante, mais je trouve qu’elle incite à l’action.
Lors d’une crise, et si l’on a la chance d’être accompagné par les bonnes personnes, on peut connaître des petits outils pour affronter la situation. L’astuce que j’entends le plus souvent, même si c’est loin d’être ma préférée, concerne les cinq sens : énumérer ce que l’on voit, ce que l’on touche, et se concentrer sur ces sensations. Non, moi je suis plus adepte des actions qui demandent de la concentration sur des petites tâches du type calcul ou mots croisés. C’est à ça que je pense quand j’entends la musique d’Inscryption : concentre-toi sur une chose à la fois. Joue aux cartes. Le reste, on verra après.
Et pourtant, il y en a quand même qui mettent bien la pression. Je pense que ma préférée, c’est celle du Trappeur. La percussion répétitive, je trouve ça entraînant et presque rassurant par son aspect prévisible.

Le jeu de cartes : une lutte contre la tétanie

La répétition comme épreuve

Répétitif, le jeu l’est aussi. Jouer, perdre, rejouer. Les mêmes cartes, les mêmes actions. Et pourtant il y a une forme de progrès, petit à petit. Je comprends mieux les règles, mon adversaire comprend mieux ma logique. Nous nous installons dans cette relation un peu étrange où je ne cherche à le comprendre que pour mieux le tromper.
Comme je tente de tromper mes pensées intrusives. Elles sont rusées pourtant, et réussissent toujours à projeter les pires choses et mes plus grandes peurs sur les parois de mon esprit.
Et parfois c’est dur de croire qu’on peut ne pas céder. Ne pas se laisser faire. Réussir à retourner la partie à son avantage.

La fausse progression : un piège mental

Émerger d’une crise ne garantit pas d’échapper à la prochaine. De même que le jeu n’est pas clair du tout sur la réalité de la progression du joueur. Et ce, même lorsqu’on voit la sortie de la cabane. On sait que le jeu n’a pas le droit de nous empêcher d’en atteindre la porte… mais qui sait ce qu’on trouvera au-delà ?
Ce sentiment que même les victoires ne mènent qu’à d’autres épreuves, qu’il n’y a jamais de vraie fin, est lourd. Tout comme l’est cette sensation, bien réelle, de ne pas être maître de son propre destin quand l’anxiété ou la dépression frappent.

Je ne pense pas que cette expérience du jeu parlera à tous ; mais en ce qui me concerne Inscryption a créé en moi une expérience de l’enfermement psychologique qui résonne puissamment avec ma lutte contre mes propres démons intérieurs. C’est une œuvre qui reflète, sans concession, les moments où je me retrouve piégé, sans repères, dans un cycle d’angoisse voire de mutisme anxieux.
Ce que j’ai ressenti en jouant, cette angoisse sourde qui m’habitait au fil des parties, m’a forcé à m’interroger sur ma propre capacité à gérer l’incertitude et la répétition. Ce jeu m’a montré à quel point il est important de rester concentré, de ne jamais céder à l’illusion d’un obstacle, et surtout, de ne pas sous-estimer la force d’une petite tâche concrète, d’une carte jouée, pour se sortir d’un moment difficile.
Mon rival, c’est moi. Je m’affronte tous les jours. Je n’ai pas de solution immédiate, mais tant que je fais face et que je tiens bon, j’ai une chance de sortir de la cabane.

A lire aussi

La Dame aux Cerfs : à la croisée de l’oubli et du souvenir

Article du Café des Récits

La Dame aux Cerfs fait partie de mon bestiaire personnel. Elle incarne tous les rouages du marchandage intérieur après disparition d’une personne qui compte…

OMUN : La Lame et le Souffle Ardent

J’ai écrit et dessiné Omun, un webtoon fantastique / action, que j’ai prévu d’adapter au format papier !

On y parle de trois adolescents perdus qui doivent faire équipe pour rentrer sur Terre. Bien entendu, le chemin du retour sera long et semé d’embûches, surtout que le trio n’est pas vraiment fait pour s’entendre… À lire sur Webtoon Canvas France !