Dois-je arrêter de créer ?

Dans un monde où le capitalisme est hors de contrôle, la créativité semble s’amenuiser. La précarité grandissante de ceux qui encouragent et contribuent à l’art et au divertissement, trace un destin bien funeste. Pourtant, je refuse d’abandonner. A force d’histoires contées, dessinées, mises en scène, je forgerai ma place dans ce monde en perdition. Et si j’ai souvent eu l’impression d’être seul et abandonné dans cette quête, j’ai fini par comprendre que ma culture antillaise pourrait bien être mon meilleur allié. Suivez-moi, j’ai quelque chose à vous montrer.

Ne vous y trompez pas : je ne me suis pas levé un matin, avec, comme par magie, une quête gravée dans ma vie. Certes, je dessine et je raconte des histoires depuis que mon cerveau est en capacité de le faire, et mes mains, de tenir un crayon. Mais ces créations n’avaient comme destinataire que moi-même. Rendre la vie supportable, sans trop y réfléchir. Et probablement vivre un peu dans le déni.
A cette époque-là, j’étais bien loin des considérations culturelles qui m’occupent aujourd’hui. La représentation des antillais dans les œuvres de fiction se faisait rare. Si personne n’en parlait hors des limites de nos îles, c’est probablement que ce n’était pas intéressant. Et j’ai appris malgré moi à intérioriser ce triste message.
Mais en 2009, je commence à écrire Omun, et cette histoire était trop personnelle pour que j’occulte si violemment un pan de ma culture. Malgré cela, les références aux Antilles dans Omun restent soit très subtiles, soit dissimulées. Ce n’est véritablement que depuis mes collaborations aux projets de Samora (le MwaKast) que j’apprends à accepter voire à revendiquer haut et fort ma culture.

Je me réapproprie cette culture qui était la mienne dès le départ. Je lui donne le respect et la considération qu’elle mérite.

Récemment, j’ai créé un projet qui consiste à représenter chaque commune de la Martinique à travers un personnage avec un chara-design unique. Je partage mon processus créatif en direct sur Twitch, où je montre toutes les recherches que j’effectue pour chaque personnage, allant des articles de journaux aux vidéos de reportages.C’est pour moi un pur moment de reconnexion et de nostalgie. Et pour mes viewers, une pure découverte, une ouverture sur le monde…

Cependant, il faut que vous compreniez que mon objectif n’est pas d’être centré sur mon nombril. Par ailleurs, si c’est ce que vous pensez des artistes antillais, vous vous trompez à un point inimaginable. La mixité et la pluralité sont inscrites dans notre héritage, alors essayez de vous représenter ce que cela donne lorsqu’on y ajoute la créativité.

Mes références sont éclectiques, et principalement musicales. Bercé depuis l’enfance aux envolées de Malavoi, j’ai grandi en écoutant de la Biguin’Jazz, un style de musique antillaise teinté de jazz, de sonorités africaines, européennes… en un mot, créoles.
Aujourd’hui, je suis également fasciné par l’univers poétique de Woodkid. Je m’inspire de sa voix grave et profonde pour ajouter une touche de mélancolie à mes créations.
J’ai grandi dans un univers où le premier marqueur de mixité est la musique ; et je pense que ça a beaucoup contribué à mon imaginaire. Mes émotions sont sonores avant d’être visuelles, et plus le temps passe, plus j’ai envie de lier ces deux sens au profit de projets originaux. Et le meilleur moyen de rendre un projet original, c’est avant tout de l’imprégner de mon identité : mes origines, mes passions, mes ambitions.

Dans un monde où la créativité est menacée par la précarité grandissante de ceux qui la cultivent, il est crucial de ne pas abandonner. Les artistes doivent continuer à créer, à raconter des histoires et à imaginer des mondes. Pour ma part, je suis fier de revendiquer haut et fort mes origines antillaises dans mes projets créatifs. J’ai appris à m’approprier ma culture et à lui donner la place qu’elle mérite dans mes histoires et mes dessins. En partageant mon processus créatif en direct sur Twitch, je m’efforce également d’ouvrir les yeux de mes viewers sur les richesses de la culture antillaise et de susciter leur curiosité.
La créativité doit être au service de l’humanité, et je suis convaincu que la diversité des cultures est l’une des plus belles richesses dont nous disposons.
Suivez-moi, j’ai encore beaucoup à vous montrer.