La nuit était tombée. Nous sommes sortis sur la terrasse. L’air frais du soir faisait bruisser les oliviers, accompagnant le chant des cigales.
Nous éteignîmes la lumière du salon, révélant doucement les étoiles.
J’allais les voir.
J’allais enfin les voir…

Bien loin de moi, dans une réalité alternative, peut-être Youri regardait-il les étoiles. Ou pas ? Il devait avoir bien du mal, avec la pollution lumineuse de la cité Gagarine…

Tomber dans le vide

Car Gagarine est aussi le nom d’une cité à Ivry-sur-Seine. Dans le film dramatique français de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh, Youri (joué par Alseni Bathily) rêve d’aller dans les étoiles. Cette cité, c’est sa famille.
Je n’ose imaginer le choc qu’il a dû ressentir en apprenant que la Cité allait être détruite ; et sa famille, contrainte de déménager, éclatée dans la France et peut-être même ailleurs.

Youri ne bouge pas. Spectateur de la réalité », il attend sa mère, qui ne vient pas la chercher. Il n’a nulle part ou aller. Acteur de ses rêves, il transforme son étage en station spatiale. D’abord régulièrement visité par deux âmes égarées, ses deux amis finissent par s’en aller à leur tour. Youri reste seul, piégé par une rêverie aux barreaux en amiante.

Tout le long du film, on joue avec les codes de la photographie spatiale. Les émotions, souvent comme endormies sur le visage de Youri, sont trahies par son contexte : ce qu’il voit, ce qu’il fait.

Je tendais la tête vers le ciel, à m’en faire mal au cou et aux épaules. Je voulais les voir. Je devais les voir. Je les avais attendu si longtemps. J’avais traversé un océan pour les voir.

Ce soir, c’était le soir. Leur soir. Alors venez à moi, venez inonder mes espoirs et mes rêves d’une douce bien que fugace lumière !

Peut-être ne pouvais-je simplement pas la voir… Peut-être est-ce ainsi qu’on distingue les monstres des hommes

L’obscure clarté qui tombe des étoiles

Ce qui m’a le plus marqué dans ce film, c’est la solitude et l’enfermement désespérés de Youri. Il a choisi les étoiles qu’il ne peut atteindre, à une réalité tangible mais inacceptable. Quand j’ai compris ça, j’ai eu l’impression que Jhad criait : « il est comme moi !! »

Youri et Jhad, au fil de leur histoire respective, se perdent tous deux dans une forme d’apathie qui dresse un mur entre eux et le reste du monde. Pour Jhad, c’est après un combat dans l’arène particulièrement douloureux qu’elle se retrouve privée de ses sentiments de Rage et d’Abandon.
Le regard vide, elle aussi se tournera vers les étoiles, avec une pensée pour ces astres froids et chauds, loin et proches, magiques et logiques, tout à la fois.
C’est peut-être ça qui m’a touché dans l’histoire de Youri. Malgré son visage généralement inexpressif ou presque, ses émotions nous frappent de plein fouet. Ou étaient-ce les miennes que je décelais chez l’adolescent, comme un projecteur sur une toile vierge ?

Regardez Gagarine. Ce film sorti en 2020 a si peu fait parler de lui. Et pourtant, il y a tant à raconter. Dans notre réalité, la Cité Gagarine est finalement détruite en 2019. Et je me sens ému de l’avoir vue à travers les yeux de Youri, grâce aux recherches et interviews préparatoires menées par Fanny Liatard et Jérémy Trouilh. Et je…
« Oh ! »
Elle vient de traverser le ciel d’été ! ! ! Le temps de révéler ma stupeur, elle avait déjà disparu…

Ma première étoile filante…

A lire aussi

OMUN : La Lame et le Souffle Ardent

J’ai écrit et dessiné Omun, un webtoon fantastique / action, que j’ai prévu d’adapter au format papier !

On y parle de trois adolescents perdus qui doivent faire équipe pour rentrer sur Terre. Bien entendu, le chemin du retour sera long et semé d’embûches, surtout que le trio n’est pas vraiment fait pour s’entendre… À lire sur Webtoon Canvas France !

Spiderman : What’s Up Banger

Article du Café des Récits

Il faut dire que quand “Spiderman into the Spider-verse” avait été révélé au monde, nous avions tous été ébloui par le parti pris artistique. Cette finition graphique à mi chemin entre les principes et les techniques de la 2D et la 3D avait fait l’effet d’une bombe. J’en attendais donc au moins aussi bien du 2…