Attention : l’article qui suit contient du spoil sur Outer Wilds; et si il y a bien une chose sur laquelle toute l’étendue des Internets s’accorde, c’est que si vous n’avez pas encore joué au jeu et que vous avez envie de le faire, VOUS NE DEVEZ PAS VOUS FAIRE SPOILER. Alors déguerpissez de cette page et en vitesse !

J’ai eu la chance de prendre le temps de jouer à de très bons jeux cette année, et parmi eux,  Gris et Outer Wilds. À première vue, ces jeux semblent être à l’opposé l’un de l’autre. Le premier est une aventure poétique, intime, et linéaire, centrée sur la reconstruction émotionnelle d’une jeune fille après une perte. Le second est une odyssée spatiale non linéaire, où l’on incarne un explorateur extraterrestre bloqué dans une boucle temporelle. Mais je trouve que ces deux œuvres ont en commun un thème universel : l’acceptation de la perte, le passage du temps, et la célébration des instants éphémères qui composent nos vies.

L’acceptation de la perte : deux perspectives, un même constat

J’ai dû terminer les deux jeux avant de m’en rendre compte, mais Gris et Outer Wilds partagent effectivement le thème de l’acceptation.. Dans Gris, dès le début du jeu, le personnage principal a déjà perdu ce qui lui était le plus cher : sa mère ; et le joueur la suit dans son parcours de guérison. Le monde de Gris, magnifique et fragile, est une représentation métaphorique de son esprit en reconstruction. La quête de couleurs, la réappropriation de sa voix, tout est symbolique du cheminement vers l’acceptation de la perte et de la renaissance à travers le deuil.
À l’inverse, Outer Wilds nous place face à une fin imminente : la destruction inévitable du système solaire dans lequel nous évoluons. Nous sommes pris dans une boucle temporelle, répétant sans fin les mêmes 22 minutes avant que le soleil ne se transforme en supernova, entraînant la fin de tout. Ici, l’acceptation ne vient pas immédiatement, car au début, on cherche à comprendre, à explorer, et peut-être même à éviter cette fin fatale. Mais plus on avance, plus on comprend que l’explosion solaire est inévitable. Il ne s’agit plus de repousser l’échéance, mais de trouver ce qu’on peut faire du temps qui nous reste.
Dans ces deux jeux, on ne peut changer ni effacer la perte. On ne peut que l’accepter. Dans Gris, c’est un deuil personnel et passé. Dans Outer Wilds, c’est un adieu universel et à venir. Ces œuvres nous confrontent à cette idée que la fin fait partie du voyage, et que refuser de l’accepter, c’est se condamner à l’immobilité.

Le parcours intérieur : de la guérison à l’acceptation

Dans Gris, le parcours est linéaire. Il est clair que l’histoire est celle d’une guérison, et que nous accompagnons Gris dans ce cheminement. Il n’y a pas de détour : il faut avancer, franchir les obstacles symboliques pour retrouver la paix. En tant que joueur on a un peu l’impression de guider Gris dans sa tentative de reconstruction, en faisant preuve d’empathie pour elle.
Outer Wilds adopte une approche différente : c’est au joueur de tracer son propre chemin. Il n’y a pas de quête imposée, juste une série de découvertes à faire dans le temps qui nous est imparti. Ce n’est pas tant le personnage que nous incarnons qui doit accepter la fin, c’est nous, le joueur. Il n’y a pas d’obstacles clairs à franchir comme dans Gris, mais une réflexion personnelle à mener sur ce qu’on fait de notre temps. En cela, le jeu ne force pas la main du joueur, mais l’invite à contempler l’inévitabilité des choses. Quel que soit le chemin parcouru, la fin est La Fin.

Temporalité et cycle : le temps comme écho du deuil

Les deux jeux manipulent la temporalité pour refléter leur message central sur la perte. Dans Gris, le temps est linéaire, il suit une progression classique qui symbolise l’avancement dans le processus de guérison. À chaque étape, le personnage se rapproche de son acceptation.
Dans Outer Wilds, la boucle temporelle symbolise cette idée de stagnation dans le déni de la fin. Le joueur pourrait décider de rester éternellement bloqué dans cette boucle, à sauver le système solaire de manière temporaire. Mais cela n’a pas de sens. Pour véritablement avancer, il faut désactiver la boucle et accepter la fin. C’est en brisant ce cycle que l’on peut réellement laisser place à une forme de renouveau, même s’il s’agit d’un renouveau intangible.

Ce que Gris et Outer Wilds nous enseignent, c’est que la vie, malgré ses pertes inévitables, est toujours à célébrer. Ce ne sont pas les événements eux-mêmes, mais la manière dont nous choisissons de les transformer qui compte. Les moments que nous vivons sont éphémères, mais les souvenirs, les relations et les leçons tirées de ces instants peuvent perdurer à jamais. Ces jeux rappellent que la beauté se trouve autant dans les instants vécus que dans ce que nous en faisons.

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