Il connaît un succès mondial croissant, permet la découverte de créateurs français talentueux, permet de contenir des millions de mondes fictifs juste dans la poche… Le webtoon a le vent en poupe ! Mais je ne t’apprends rien, pas vrai ? Je sais que les lecteurs de ce blog sont des connaisseurs. Probablement as-tu ta petite liste de recommandations en tous genres, toujours prêt à dégainer pour le malheureux en quête de conseils.

Après tout, grâce à leur format vertical et à leur intégration d’éléments tels que de la musique ou des animations, les webtoons offrent une expérience de lecture unique et immersive.

Et pourtant une fois passée l’étape de la nouveauté et de la découverte, une partie du public de lecteurs abandonne et revient au bon vieux papier. Comment un tas de fibres encrées continue-t-elle de l’emporter face à ce bijou de technologie qu’est le webtoon ?

Bon, j’avoue, j’exagère. Et à vrai dire, je fais partie de ceux qui ont lentement abandonné la lecture assidue au scroll, et ce, même pour mes oeuvres préférées. Et pourtant, je suis très friand des webtoons français. Mes petits chouchous étaient incontestablement Colossale, Mon voeu le plus sincère, CandleKeeper et Ectomuscle.

Alors pourquoi ? Pourquoi une catégorie de lecteurs refuse de passer au webtoon, et une autre abandonne malgré un intérêt existant ?

Pourquoi le format webtoon ne plaît pas à tout le monde ?

Tu ne le sais peut-être pas, mais il existe chez certains lecteurs une forme de gêne vis-à-vis du scroll. Cette gêne fatigue et peut se transformer en malaise en cas de défilement trop fréquent et trop répété. On lui donne le petit nom mignon de nausée du scroll, mais à vrai dire, c’est très agaçant. Personnellement, je comparerais cela au mal des transports.

Les solutions : ralentir le défilement à une vitesse proche de 0, relever souvent la tête, ou utiliser un écran plus grand.

Or, je ne sais pas si vous avez remarqué mais les webtoons sont avant tout faits pour le smartphone. Les créateurs se sont adaptés à des caractéristiques comme les petits espaces, ou la vitesse de défilement, afin d’optimiser leur production vis-à-vis d’un rythme de publication éprouvant. Dans ces conditions, changer autant les paramètres de lecture revient presque à dégrader son expérience de l’œuvre… le lecteur n’est plus capable d’apprécier à sa juste valeur l’œuvre du créateur.

Autrement dit, si on est atteint de nausée du scroll, soit on abandonne par malaise, soit on change sa méthode de lecture et on finit par abandonner par absence de plaisir.

Le papier n’est pas mort. Les éditeurs l’ont bien compris.

Vous vous baladez dans une librairie, et vous percevez du coin de l’oeil des personnages que vous connaissez. Eh oui ! de nos jours, beaucoup de webtoon sont adaptés en version papier. Parfois en maison d’édition, comme Mon voeu le plus sincère ou True Beauty, parfois en autoédition comme Ma senpai est un homme ! ou Poena Cinis. Voilà donc la solution de nos amis atteints de nausée du scroll : attendre la version palpable de leur webtoon préféré !

Et ça, le monde du livre l’a bien compris. En adaptant le webtoon et le rendant disponible en librairie, il est possible d’aller chercher un marché complémentaire : celui des personnes sentimentalement attachées au papier, ou tout simplement de ceux qui n’ont pas encore découvert le webtoon.

Le même frisson avait parcouru les imprimeurs il y a quelques années. La démocratisation du PC, du smartphone, d’internet, des liseuses, avaient-elle la capacité de réduiore à néant la lecture sur papier ? Aujourd’hui, nous avons la réponse : non, absolument pas. Le livre est peut-être le dernier support de divertissement à faire de la résistance face à la dématérialisation. Il se suffit à lui-même, et c’est peut-être là son secret.

Mais il y a quelque chose qui m’interpelle.

Pourquoi attache-t-on le livre papier à une forme d’élitisme ?

Je m’explique.

J’ai commencé le webtoon sur la plateforme française à peu près en même temps que des créateurs français dont le nom est aujourd’hui sur toutes les lèvres des aficionados du webtoon cocorico. Et j’ai pu constater que socialement, il était communément admis deux indicateurs de réussite supérieurs aux autres :

  • avoir été abordé par un éditeur numérique (webtoon naver par exemple, avec son statut “original” pour les créateurs sous contrat) et poursuivre son histoire en étant rémunéré – puis réussir à financer / éditer une adaptation papier.
  • avoir réussi à sortir une version papier de son webtoon, soit en maison d’édition, soit en autoédition.

Ces deux chemins ont pour destination le papier, ce qui me donne l’impression qu’un créateur avec son livre en main aura plus de prestige qu’un créateur en ligne. Un peu comme si le fait que l’on puisse toucher, ouvrir, sentir l’odeur du bouquin avait une aura un peu magique ; comme si de l’idée au tangible, le créateur avait véritablement “accouché” de son projet de façon plus palpable que si son récit était resté numérique. Comme si le “combien de ventes” l’emportait forcément sur le “combien de lectures”.

Je trouve ça prétentieux. Et je déteste ce qui est prétentieux.

Et pourtant, je prépare une version papier de mon webtoon ?

Mmmh. Pas tout à fait. Omun n’est pas une adaptation papier du webtoon. Tout simplement parce que :

  • Un webtoon adapté consiste en reprendre les cases réalisées, les embellir pour les rendre optimales pour ce nouveau format, revoir la mise en page également, pour les mêmes raisons. Cependant, ça reste une adaptation du matériau de départ. En ce qui me concerne je ne fais du webtoon que depuis 3 ans. Mais je suis passionné par les contraintes du découpage sur papier depuis plus de dix ans. (Il faudrait que j’en parle un jour…) En repartant des cases déjà réalisées spécifiquement pour le scroll, je me sentirais frustré… Alors qu’en refaisant tout de zéro, je vais pouvoir essayer d’appliquer un maximum tout ce que j’ai appris sur le découpage papier toutes ces années. C’est le moment de voir si j’ai bien tout compris !!
  • L’histoire d’Omun en version webtoon avait à mes yeux tellement de défauts. Depuis 2020, j’ai dû en réécrire le scénario 5 ou 6 fois, de frustration. Alors quitte à refaire toutes les cases, j’ai décidé de carrément partir sur un reboot. Comme ça, les nouveaux lecteurs seront contents, et les anciens auront de nouvelles choses à découvrir. Je trouve désormais les personnages plus crédibles, le dosage aventure / magie / action plus intéressant, et je pense vraiment m’être amélioré sur tous ces points, du scénario à la colorisation en passant par la mise en scène.

Ce qu’il faut retenir

  • Certaines personnes ont le “mal du webtoon” ou plus sérieusement, la nausée du scroll
  • Si vous êtes concernés, sachez que beaucoup de bons webtoons, français ou coréens, sont désormais adaptés en version papier
  • Ces versions peuvent être décevantes si la transition vers le découpage papier a été mal gérée mais je trouve que jusqu’ici c’est toujours qualitatif sur les webtoon cocorico
  • Le papier est symbole d’élitisme et ça me frustre, parce que je l’aime pour plein d’autres raisons, et aussi parce que je déteste les gens prétentieux
  • Mon webtoon Omun en version livre, ne se dirige pas vers une adaptation papier, mais plutôt sur un reboot complet. C’est hardcore et perfectionniste, mais c’est ce que méritent les lecteurs.

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