Quand j’étais petite et que je vivais aux Antilles, mes parents  m’emmenaient parfois dans des évènements populaires durant lesquels des conteurs venaient prendre place au centre de la foule. Ces conteurs avaient une façon très simple de répandre leur message.

D’abord c’était un appel, un bref cri connu de tous et auquel tous répondaient, un peu comme une formule magique, signe que l’orateur était prêt à narrer et son public prêt à l’écouter. Puis le conteur introduisait son histoire. L’esthétique de ses propos avait beaucoup d’importance, ses paroles étaient poétiques à la manière d’un slam, fabuleuses, rythmées, riches en assonances et en allitérations.

De temps en temps, au cours de l’histoire, le conteur interpellait le public, et le public lui répondait, comme pour lui confirmer son intérêt toujours aussi grand pour la suite de l’histoire, et ce, toujours de façon brève et percutante. Puis venait la chute du récit, souvent drôle, parfois émouvante, et tout le monde applaudissait.

Puis le conteur était toujours invité par celui-ci ou celui-là, à partager un repas bien mérité ; ou alors c’était untel et untel qui lui avaient porté quelques provisions ; ou alors, en cas de fête municipale, la commune le payait.

Dans beaucoup de cultures, on peut retrouver ce type de tradition orale dynamique et poétique, occasion de rassemblement simple et ouverte à tous, faisant appel à la créativité du conteur et permettant à celui-ci de se rémunérer grâce à la générosité de son auditoire. Et là, vous êtes censé me dire « mais quel est le rapport avec le web » ? Parlons-en, justement.

Le web est accessible à (presque) tous

De nos jours, tout le monde (ou presque) possède tout ce qu’il faut pour se connecter à internet régulièrement. Le web est en passe d’être un média universel. Et c’est d’autant plus génial que non seulement tout le monde peut accéder à internet, mais en plus tout le monde peut y publier du contenu gratuitement (ou presque) : blog, réseaux sociaux, site, n’importe qui peut trouver un moyen peu couteux de s’y exprimer ; de même que n’importe qui peut raconter une histoire avec ses propres mots. Le web est un média libre et c’est ce qui fait toute sa beauté. Et on peut aller encore plus loin en imaginant que dans quelques années, les outils de traduction seront assez performants pour permettre de passer d’une langue à l’autre de la façon la plus simple et pertinente qui soit (mais pour ça, il y a encore pas mal de travail…).

Le web rassemble et permet de se rémunérer

Eh oui !  De même que le conteur a l’occasion d’exercer son art aux veillées, fêtes et autres lieux de rassemblement, le web a ses propres places de discussion, d’échange, de partage. Les forums, les réseaux sociaux, les blogs sont autant d’endroits virtuels où l’on se retrouve, autant de lieux propres à tous les conteurs du digital. Cela permet de voir les choses d’un autre œil, non ? Et si les Community Managers étaient des crieurs sur des places publiques digitales, les Youtubeurs des artistes de rues vous proposant de vous abonner au lieu de vous présenter le trou béant de leur couvre-chef ? D’ailleurs, c’est aussi valable en termes de rémunération : le financement participatif, où chacun donne ce qu’il veut, ce qu’il peut, par exemple. Sans parler de ces plateformes de « pourboires virtuels » qui sont autant de formes de mécénat contemporain. Oui, on se rassemble et on vit, sur cette immense place de village qu’est internet.

Le web permet l’interaction, est favorable à la créativité

Rien de bien nouveau, je sais, mais ça vaut quand même le coup de le mentionner, non ? Qu’il s’agisse d’interaction entre êtres humains ou avec la « machine », le web est un média dynamique. Et c’est là une différence extrêmement importante avec les autres médias et formats de narration de notre siècle. Vous ne pouvez pas répondre au journaliste dans votre télé, vous ne pouvez pas insulter l’acteur pendant le film si vous n’aimez pas sa performance. En revanche vous pouvez mettre un pouce rouge sur Youtube, une autre façon de huer ou de jeter des fruits pourris si vous n’aimez pas la performance proposée.

Mais comme je vous le disais, vous pouvez également agir sur le site web en lui-même. Passer au morceau suivant sur votre plateforme musicale, au frame suivant sur le Café des Récits. Et pas que : cliquer, scroller, survoler, slider, marteler votre clavier sont autant d’actions qui peuvent être mises à votre disposition pour modifier l’expérience que vous faites de l’histoire qui vous est contée. Et pas que ! L’histoire pourrait évoluer toute seule par moments, en fonction des paramètres qui lui seraient donnés. Ajoutez à cela la multitude de formats compatibles : images, vidéos, sons, textes… et tous ceux qu’il nous reste à inventer ! C’est un formidable outil de création, vous ne trouvez pas ? Rien qu’avec les possibilités actuelles, il nous reste une infinité de façons de raconter des histoires à créer, et ce rien qu’avec internet.

Le web, ce n’est pas juste le web

« Oh là là, la voilà partie dans un trip poétique, euphorique et naïf. Fuyons, fuyons ! » Pourtant, je bosse effectivement dans le web, et j’en connais à coup sûr les défauts, les difficultés. Je pourrais même en faire un deuxième article… mais pour aujourd’hui, j’ai choisi de vous montrer cet aspect-là. On parle beaucoup sur #nowwwel de choses liées à la technique et au marketing, alors j’avais envie de vous montrer l’énorme potentiel créatif et social de cet outil de communication tellement complexe et polyvalent.

Après tout, le web permet aussi de raconter des histoires, avec les mêmes concepts de simplicité et de fédération que les contes de tradition orale.

A propos de l’auteur…

Audrey Ayassami, 26 ans, exploratrice du web et troubadour des temps modernes grâce au Café des Récits 😉

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