Je suis allé voir “Spiderman accross the Spider-verse” au cinéma. C’était la première fois que je me retrouvais face à un grand écran depuis le début du COVID, et ça me faisait tout bizarre… Pour ce qui est du film, à vrai dire, je n’avais pas d’attentes particulières. J’avais bien aimé le 1, surtout pour son esthétique.
Il faut dire que quand “Spiderman into the Spider-verse” avait été révélé au monde, nous avions tous été ébloui par le parti pris artistique. Cette finition graphique à mi chemin entre les principes et les techniques de la 2D et la 3D avait fait l’effet d’une bombe. J’en attendais donc au moins aussi bien du 2…
Et quelle claque monumentale…visuelle, mais pas seulement. J’étais tellement pas prêt. Voici donc un petit récap sans spoil de ce qui m’a le plus marqué dans ce film.
La prise de risques esthétique
Ils avaient déjà fait fort avec le premier opus, et ce deuxième film est dans la lignée de son grand frère. Mais les scènes dans l’appartement sont particulièrement riches.
La couleur et moi, on est pas très potes. Je me sens toujours un peu perdu avec. Comme j’ai une formation en design, j’y recours en lui donnant un sens, et en limitant les nuances. On le voit particulièrement bien dans Omun : le rouge de Jhad, le jaune d’Heol, le bleu de Aker, le vert de Kim… ces couleurs sont surtout une traduction graphique d’élément de narration.
Je ne sais pas agencer les couleurs de façon satisfaisante esthétiquement. Alors je leur donne un sens.
Je culpabilise beaucoup de ma palette, qui n’est ni réaliste, ni spectaculaire. Mes couleurs sont symboliques mais souvent soit trop ternes, soit trop criardes parce que j’ai du mal à les combiner.
Et là, ce film fait une intrusion dans ma vie en me jetant au visage toutes ces teintes que je connais bien. Dans la chambre de Gwen, les couleurs ne sont pas réalistes. Elles sont simplement des émotions brutes. On s’en fiche de savoir si l’armoire est marron ou le tapis vert. Si Gwen est triste, alors ce sera bleu. C’est tout.
Avec ces couleurs associées à la composition, certaines scènes sont redoutables. Gwen, terrée dans sa chambre, son père qui lui parle. La pièce est bleue de sa peine, et sombre des secrets qu’elle dissimule. La lumière jaune projetée depuis le couloir ou le salon découpe un rectangle presque parfait dans l’image. Son père, dans la lumière jaune veut maladroitement faire un pas vers elle tandis que Gwen refuse de lui faire confiance.
C’est un bon exemple, mais ce n’est pas la scène qui m’a le plus marqué. Mais on a dit pas de spoil, alors…pas de spoil.
En tout cas, je retiens qu’il n’y a pas de honte d’exploiter des couleurs trop réalistes ou d’expérimenter des contrastes trop vifs, tant que cela sert le propos. Après, j’ai encore à travailler sur la lisibilité de mes images, mais de toute façon, pour progresser, il faut mettre un pied devant l’autre et prendre son temps.
La morale(s) universelle
Parfois, on a l’impression que révéler au grand jour ce que l’on est nous fera perdre la confiance de nos proches. On aimerait briser ce mur, mais on ne le peut pas. Gwen dit à Miles de ne révéler qui il est à ses proches, alors qu’il veut le faire. Pourtant, plus tard dans le film, les situations s’inversent, ce qui accentue encore plus l’injustice de la scène de Miles.
J’ai trouvé cette partie très réaliste et très bien trouvée. Nos vies sont empreintes de nos propres convictions, mais elles se tissent en s’entremêlent à celles de nos proches. Parfois, on fait des accords tacites, on fait confiance, on fait passer les convictions de nos proches avant les nôtres, par crainte de rompre le lien dans le cas inverse.
Nous avons tous une quête identitaire et elle n’est jamais simple. Certains choisissent de s’endormir et de laisser d’autres les guider. D’autres se battent contre tous, même des moulins à vent, pour leurs propres opinions. Il n’y a pas de bons et de mauvais choix. Il n’y a que des choix.
Au cours du film, envers et contre tout, Miles continue de se battre pour ce qui lui semble important. Une voie que tous pensent fantasque et impossible, sauf lui. Pour autant, le film ne lui rend pas cette voie fantasmée ou facile, au contraire. C’est en cela que je trouve ça réaliste.
Cela m’a amené à remettre en question les quêtes de mes personnages dans Omun. Pas de spoil là non plus, mais l’un de mes personnages a une évolution extrêmement importante. Le genre d’évolution qui ne se fait qu’aux prix d’énormément de sacrifices et sans certitude de récompense. Le genre d’évolution qu’on doit faire pour soi plutôt que pour le monde.
Et “Spiderman Accross the Spider-verse” m’a beaucoup aidé à y voir plus clair à ce niveau.
Le beurre et l’argent du beurre, si l’on épouse la crémière
Dans la lignée des choix personnels, il y a la question de ce qu’on est prêt à accepter, et ce qu’on refuse de perdre. On est tous limités dans nos choix par nos croyances et notre façon de donner un cadre à notre vie. Et quand nos valeurs les plus profondes se heurtent à ce cadre imposé par le contexte social, quelque chose en nous commence à trépigner tumultueusement. “On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre” : n’est-ce pas, au fond, une phrase limitante prononcée par ceux qui sont prisonniers de leur cadre ? Ou alors des intolérants au lactose…
Dès les premières minutes du film, à cela, Miles réplique “Sauf si on épouse la crémière”. Pour moi cette réponse signifie qu’il y a toujours un chemin hors des sentiers battus, et qu’une conviction peut être défendue à condition de trouver comment lui donner du sens dans notre monde.
Je rapproche ce moment de la fin de la série “Avatar, le dernier maître de l’air”. Tout le monde est convaincu que le héros doit tuer le tyran. Le héros ne souhaite pas le tuer, mais reconnaît tout de même l’énorme menace qu’il représente. Aang finira par trouver une solution pour réduire cette menace à néant, sans toutefois le tuer.
La voie la plus facile à identifier n’est donc pas toujours la meilleure.
Ce que j’ai trouvé fascinant par rapport à ce thème, c’est l’aspect prophétique de la réponse de Miles. Trouvera-t-il comment épouser la crémière lorsqu’il voudra le beurre et l’argent du beurre ?
Qu’il réussisse ou non me semble ne pas avoir d’importance. La seule question qui en a, c’est : a-t-on toujours le discernement nécessaire pour savoir trier les situations dans lesquelles on peut agir de celles dans lesquelles il faut accepter l’obstacle et modifier sa trajectoire ? Cette interrogation peut sembler nier le fait de défendre à tout prix les convictions qui nous importent, mais je ne crois pas. J’exploite d’ailleurs cet axe dans Omun. Lorsque deux de nos ambitions se heurtent et se contredisent, il faut de la fermeté dans la remise en question, afin de trouver le bon chemin.
Au travail !
Ce film m’a transporté, secoué, catapulté tout au bout du ciel, et en sortant de la salle, j’ai plané en un long, très long atterrissage.
“Spiderman Across the Spider-verse” a parlé à l’enfant au fond de moi qui crée Omun un peu plus chaque jour.
- Prends des risques dans ton esthétique si cela sert le propos. Ne doute pas des lecteurs, ne crains pas de faire trop différent. Si ça attire l’attention sur ton propos, alors le pari est gagné.
- Un personnage peut évoluer et rester fidèle à lui-même : trouve la limite entre caractérisation et évolution : les choses dans le caractère de tes personnages qui ne changeront jamais même dans les pires revers. Tout le reste peut changer, mais pas ça.
- N’aies pas peur de continuer de chercher comment avoir le beurre et l’argent du beurre. Ne fais pas confiance aux intolérants au lactose, ils ne sont pas concernés. C’est ta quête. C’est ton récit. Tout est permis, tant que le message d’Omun arrive à bon port.
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