Un gamin en cavale au volant d’une voiture. Voilà comment on rencontre Alex dans Road96, un jeu vidéo où l’on joue un autostopper qui fuit son pays avant qu’il ne soit complètement mis à feu et à sang. Ce petit génie informatique se retrouvera pourtant face à un problème épineux, et vous demandera d’être son “canard en plastique”. Bizarre ? Pas tant que ça. En réalité, il s’agit d’une analogie avec ces petits jouets dans la baignoire, auquel on est susceptible de parler et de se confier. Le canard en plastique ne répond pas, et pourtant il est très utile. Voilà ce que nous demande Alex : écouter surtout, peut-être poser des questions, et l’aider simplement de cette façon à démêler le fatras de ses pensées, à la recherche de la solution.
Le canard en plastique, c’est utile dans plein de situations : pour prendre une décision importante, pour trouver la bonne approche sur un sujet difficile, ou, comme dans mon cas, pour créer quelque chose quand on se sent bloqué, sans savoir par quoi.
Trouver son canard en plastique
Je le connais bien, ce rôle. Comme je vous l’ai déjà dit, j’ai deux vies : une en tant qu’artiste, et une en tant qu’employé dans le numérique. Et dans cette seconde vie, c’est souvent moi le canard en plastique. Je passe mon temps à discuter avec des développeurs qui n’ont pas vraiment besoin de mes compétences pour trouver la solution, juste de ma présence et parfois de recadrage sur leurs questionnements. C’est un rôle qui demande, en priorité, de savoir écouter en se taisant. Plus subtile qu’il n’y paraît comme place, surtout quand on se trouve à un poste où on nous demande avant tout d’avoir une posture rassurante, une posture de sachant, et d’arbitrer. Et généralement, dans une entreprise du numérique, si vous n’êtes pas développeur, c’est plutôt ce genre de posture que vous avez. ça peut faire très bizarre de passer du rendez-vous client où vous devez expliquer et guider, à la discussion informelle avec le collègue qui est bien empêtré dans son bug…
En résumé, un bon canard en plastique doit écouter. Et puis éventuellement poser des questions. Même les plus stupides. j’aurais presque tendance à dire : surtout si elles ont l’air stupides. Relancer la discussion quand elle s’essouffle, en somme, jusqu’à tomber sur la solution. C’est tout. Être un canard en plastique, ça n’a rien à voir avec les compétences. ça a à voir avec le rôle que l’on joue. Et c’est pas grave. C’est super utile, et on apprend plein de trucs.
Voilà, maintenant vous savez quoi dire à votre BFF si vous souhaitez qu’il joue le rôle du canard…
Et si je n’ai pas de personne de confiance ?
C’est ça le problème : souvent, pour ce type de rôle, on aborde des sujets sensibles, on accepte de dévoiler une forme de vulnérabilité : soit parce qu’on se confie, soit parce qu’on admet qu’on ne sait pas quoi faire. Compliqué de demander à quelqu’un en qui on a pas confiance de jouer le coincoin de compagnie.
Mais j’ai une solution pour ça aussi !
Laissez moi vous présenter mon accessoire de cramage de neurones préféré :
Le tableau blanc !! (oh non, pas lui….)
Ne fuyez pas !! Je vois bien qu’à part moi, personne n’a jamais envie d’utiliser ce satané tableau. Mauvais souvenirs d’école ? (je compatis, c’est vrai que les kholles de prépa… beark.)
[Fun fact] : une nuit en internat, en révisant mes kholles de prépa (au tableau à craie cette fois), j’ai glissé dans la poussière de craie et je me suis cassé la figure…mais aussi une dent… [Fin du Fun Fact]
J’adore les tableaux, il y a une forme de théâtralisation qui fait d’un exercice barbant un jeu. Le tableau blanc, sa texture toute lisse, l’odeur des feutres ; la simplicité pour effacer, le fait d’avoir plusieurs couleurs… Désolé, j’ai beau aimer ma tablette graphique de tout mon être, ce-n’est-pas-pareil. Être debout pour réfléchir, tourner en rond, avoir la bougeotte, c’est favorable à la gymnastique du cerveau.
Il y a deux types d’activités que je fais avec un tableau.
Synthétiser pour repartir dans le bon axe
Quand on écrit une histoire ou qu’on veut faire une illustration, on peut vite se perdre dans une foule d’envies et de détails inutiles.
Dans ce cas là, je vois mon tableau comme une fiche de présentation. Je dois y décrire le plus globalement possible le contexte dans lequel je me sens perdu. Et si quelqu’un passe par là, il doit comprendre ce que j’ai fait sans explications à l’oral . C’est juste de la schématisation. Mais en effet, c’est pas toujours simple. A tel point que des gens en font même leur métier (je vous conseille d’aller voir ce que fait N’ouss en facilitation graphique par exemple)
Alors laissez-moi vous dire que vous allez beaucoup effacer ce tableau, de rage, parce que c’est dur. Et quand vous en aurez marre, souvent, c’est là que tout se joue. Quand on en a vraiment marre et qu’on bâcle tout. On fait un truc qui tient, vite, vite, parce qu’on n’a plus envie d’être là. Bizarrement, souvent, la solution elle est dans ce dernier tableau sur lequel on va jeter son feutre rageusement avant de passer à autre chose. Parce qu’à ce stade, c’est ce qu’on a répété le plus et le plus souvent qu’il reste sur le tableau. Et si on l’a autant répété dans des tentatives infructueuses, c’est bien que c’est ce qui est le plus important à nos yeux.
Dans quels cas je l’utilise ? Rédaction d’un résumé de narration important pour promouvoir mon travail, impression d’incohérence dans une histoire que j’écris, une illustration pour laquelle je n’arrive pas à prendre une décision de composition.
Prendre une décision : la grille
Vous avez un problème. Vous ne savez pas quoi en faire. Vous avez l’impression d’avoir mille solutions et aucune à la fois.
Pre-nez-un-ta-bleau. (En vrai, celui-là, ça marche aussi avec une feuille, mais le tableau c’est plus marrant, OK ?)
Tracez une grille de morpion (si si, faites le ! ) : 3 lignes, 3 colonnes.
Dans la case du centre, on marque le problème.
Autour, dans chaque case on met pourquoi ça tracasse.
Déjà, je trouve que juste faire ça, ça aide beaucoup à se détacher de la partie “émotionnelle” du problème.
Mais on peut, maintenant qu’on a pris du recul, réfléchir à des solutions ? Pas au GROS problème, mais aux petits problèmes qu’on a mis autour. Et en général, de ça assez facilement découle un plan d’action pour le GROS problème.
Dans quel cas je l’utilise ? A chaque fois que je dois prendre une décision qui me fait monter l’angoisse.
Voilou. Ce sont mes astuces de tableau blanc.
Faire le premier pas, c’est compliqué !!
Je trouve que c’est difficile de passer d’une étape où on expérimente quelque chose à une où l’on veut réaliser un projet concret. Un tout petit fossé, mais on se sent lourd au moment de sauter par-dessus…
Créer, c’est sauter dans l’inconnu. Et sauter dans l’inconnu, c’est aussi plein d’autres étapes de notre existence. Plein de moments où on se sentira paralysé. L’ANGOISSE.
A ces moments là, c’est bien d’avoir un canard en plastique, que ce soit dans la baignoire, ou avec qui prendre un café, ou juste une surface plate, rectangulaire, toute blanche… Dans les trois cas, tout ce qui compte, c’est leur capacité à accueillir vos idées.
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