Cette histoire est un fragment du récit : Entre Les Lignes, qui n’est pas encore paru sur le Café.

Ce récit se déroule dans le même univers que Les Rebelles Créatifs (BD one-shot) et La Ligne Jaune (parue sur Twitter).

Stridente, éraillée, crispante, comme rouillée.

La sonnerie du réveil.

Émerger avec difficulté, frotter ses yeux brûlés par la lumière, essuyer un filet humide du revers de la main.

Douche. Brosse à dents. Élastique, cheveux.

Visage en trois quarts de secondes.

Métro.

Boulot.

Subir, absente, les yeux cernés, la bouche triste, le dos courbé. 

Clavier-Visio-Clavier-Visio-Clavier…

Déjeuner.

Pas faim.

Il faut manger, les forces, c’est pour toi.

C’est pour ce soir.

C’est pour l’objectif.

Avaler son repas, puis un thé, puis encore un verre d’eau.

Entretenir la machine.

Boulot.

Ne pas voir les collègues, boire son café, collée au PC. Il faut vite en finir.

Quelle société ?

Quels amis ?

Quelle famille ?

Tout ça ne compte pas.

Métro.

Tout ça, c’est pour les pauvres larves normales, sans libre arbitre, sans secrets.

Maison.

Moi, j’ai un secret.

Cahier…Stylo…Nourriture…Eau…

Programmer le réveil.

Moi, j’ai un pouvoir.

Tout est prêt.

Moi, je sais plonger.

Casque, musique. Moteur, action.

Je ferme les yeux, j’étire mes doigts. Je pince mes lèvres, fais craquer les os de ma nuque.

Je pose la plume sur la feuille.

Mes paupières se lèvent, rideau de théâtre.

La pointe file sur la surface blanche.

D’une main, le flot continu de mes pensées prend forme. De l’autre, je me sustente.

Le point de chute libre est pour bientôt.

La pièce devient floue, les objets perdent leur consistance. Je ne sens plus mon propre corps.

Continuer d’écrire.

Plongée.

Je renais, ouvre grand la bouche, avale goulûment une gorgée d’air frais.

je suis chez moi.

Je m’élance ; je cours dans l’herbe ; je volerais presque.

Je passe devant les ruines de la maison aux volets bleus, sans même jeter un oeil.

Je n’y penserai plus.

J’ai tourné la page.

Le père et le fils ne sont plus.

j’ai sauvé la fillette.

Un peu plus loin, j’observe avec fierté une grande bâtisse à l’architecture originale.

Je passe la porte, une bonne odeur de grains torréfiés m’accueille.

Vous êtes là.

Je suis chez moi.

Je suis moi.

Réveil.

Je frotte mes yeux.

J’essuie le coin de ma bouche d’un revers de main.

Je suis épuisée.

Je voudrais ne plus entendre cette sonnerie.

Je voudrais rester là-bas. 

Ne jamais revenir.

Lire le textober de la veille : Jour 17 – Ornament