Cette histoire est extraite du récit : LTK, qui n’est pas encore paru sur le Café.

Souple. Discrète. Redoutable.

Une Kalina Guerrière doit toujours être sur ses gardes.

Capable d’avancer dans la forêt sans un bruit, ni chuintement, ni craquement, aux aguets, prête à at…

– Regarde, Paka ! Tu ne trouve pas que ça sent bizarre?

Panya mit son index et son majeur sous le nez de sa congénère, qui renifla par réflexe.

Bien mal lui en prit.

– Pouah !

L’autre éclata de rire.

– Panya… Ne me dis pas que tu viens de me faire sentir la main avec laquelle tu t’es grattée le postérieur…

– Roooh, c’est juste une blague, rigole un peu !

– Panya !

– Bin quoi ! On est des Guerrières, non ? Les bonne manières, c’est pour les Fertiles.

– Je vais t’étriper. Vraiment.

– Relax ! Si tu commençais par retirer la lance que tu as dans le derrière, tu serais peut-être moins tendue.

– Par la Mère Lune… ça suffit. Tais-toi et avance. On a une mission.

Paka se sentit soudain complètement seule : Panya avait tout simplement disparu. La forêt semblait bien morne sans elle.

Seul le vent dans les feuilles et les chants des oiseaux venaient troubler la quiétude de l’étendue verdoyante, luxuriante.

– Panya, si tu n’arrête pas de faire l’idiote tout de suite… Je garde pour moi toutes mes baies ruby !

– Mais j’ai pas envie d’y aller ! Rouspéta sa comparse en s’extirpant du feuillage d’un arbre tout proche. Elle me fait peur. Elle a déjà dévoré plusieurs Kalinas. Elle n’a plus rien d’humain…

– Suffit. Tu te tais, tu passe devant, tu fais ton boulot. Une Guerrière couarde, on m’aura tout fait, à moi…

Panya s’exécuta, inquiète. Elle sentait que quelque chose d’anormal allait se produire.

L’atmosphère de la forêt avait changé.

Elle continua d’avancer, mal à l’aise, apeurée. Son coeur avait une intuition que son cerveau ne parvenait pas à analyser.

Pourtant le silence était si parfait qu’elle n’avait aucune raison d’être déconcentrée.

Le silence…

Les oiseaux ne chantaient plus !

Panya crispa ses mains sur sa lance. Elle suait à grosses gouttes et devait retenir ses genoux de jour des castagnettes.

Elle jeta un coup d’oeil discret par-dessus son épaule. Paka n’était plus là.

Panya avait du mal à respirer.

Ce qui était en train de se produire ne l’aidait pas à se calmer.

Sans plus réussir à se contenir, Panya fit volte-face puis s’élança  à pas feutrés vers la clairière où elle avait taquiné son amie, quelques secondes plus tôt.

La jeune femme était remarquablement douée pour le camouflage et l’infiltration. Elle se mouvait, agile et silencieuse, avec autant de fluidité qu’un courant d’air.

Tapie dans un buisson, Panya se retenait de regarder dans l’espace dégagé, comme pour se mentir à elle-même.

Mais l’odeur nauséabonde ne trompait pas…

Mort.

Putréfaction.

Décomposition.

Avec terreur, elle se risqua à écarter quelques branches qui lui barraient la vue.

Paka était bien là, étendue, immobile, la moitié de son corps disparaissant dans l’ombre dense du feuillage.

Évanouie ?

Morte ?

Une masse sombre, inhumaine, vêtue de guenilles crasseuses s’était accroupie au-dessus d’elle.

Par moments, le monstre se courbait vers la jeune femme inerte, puis se redressait avec un bruit de mastication répugnant.

Panya perdit ses moyens. Elle voulut reculer mais fit craquer une branche…

Par réflexe, elle leva la tête en direction de la Bête. Son regard se perdait dans l’obscurité ; néanmoins, la jeune Guerrière le sentait, intense, dirigé vers elle ; et elle ne pouvait détacher ses yeux de la gueule dégoulinante d’un liquide poisseux et pourpre.

C’en était trop.

Panya hurla d’horreur avant de s’enfuir sans demander son reste.

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