Cette histoire appartient à l’univers « Entre les Lignes ».
“Plic, ploc
Une goutte après l’autre
Plic, ploc
Sur le sol gelé
Plic, ploc
De la cîme de l’antre
Plic, ploc
Droit sur le pavé”
– Elle ne va pas tarder, souffla Ayeri.
“Plic, ploc
Jolies gouttes argentées
Plic, ploc
Tristes gouttes souillées”
Je me dressai difficilement. J’effleurai mon oeil tuméfié avec une grimace.
– Vous tenez le coup ? M’écriai-je.
Seul un mince filet de voix s’écoula péniblement de ma gorge.
Des mains se levèrent.
Le corps d’Ayeri était couvert de bleus.
Le poignet d’Aline était cassé.
Chrystal et Miss Chrysa s’étaient blotties dans un coin ; l’une avait plusieurs côtes brisées ; l’autre ne s’exprimait plus que par sa comptine sordide.
“Plic, ploc
L’écho de la pluie
Plic, Ploc,
Étouffe les cr…”
La porte s’ouvrit avec fracas. Un silence de mort figea la pièce.
– Mes agneaux !!!
La voix d’une jeune fille, hirsute, frêle, élancée, apeurée, inquiète.
Notre Mollock.
– Mes agneaux !!! Répéta-t-elle, effarée, hagarde.
Elle se jeta auprès de chacune d’entre nous, une empathie profonde se lisait sur son visage; Elle s’efforça de nous rassembler au centre de la cave, les larmes aux yeux.
Elle effleura les mèches lisses de Chrysa, les boucles rebelles de Chrystal. Elle prit dans ses paumes les mains puissantes d’Ayeri, posa un baiser maternel sur le front d’Aline.
– Mes agneaux, personne ne mérite ça.
L’éclat de ses yeux s’estompait.
– Je vais prendre soin de vous toutes.
La tête sur ses genoux, je ne pus m’empêcher de serrer les dents.
– Comme on a pris soin de moi.
Doucement, Mollock dégagea mon corps fébrile, le reposa sur la pierre glacée.
À quatre pattes, elle se dirigea vers Aline.
Pas encore…
Mollock s’agenouille en face d’elle.
– Tu sais, Aline…
Mollock avance ses bras, doucement, les referme sur les épaules de la jeune femme, tremblante.
– Tu sais, Aline… je t’aime très fort.
Aline a fermé les yeux par résignation. Ce n’est pas la première fois.
Ce ne sera pas la dernière.
– Tu veux savoir comment ?
Les mains de Mollock ont gravi le dos de sa proie, doucement, se sont posées sur ses épaules.
Aline déglutit et fait oui de la tête.
Alors les mains, avec douceur, comme des rubans de soie, glissent des épaules vers la nuque, le cou, lentement, lentement. La caresse devient étreinte et l’étau se resserre, de plus en plus brutal, de plus en plus violent.
Mollock continue. Plus fort. Enfonce ses pouces dans la chair.
Aline est au bord de l’asphyxie.
Juste avant l’évanouissement, Mollock relâche tout, laissant s’effondrer le corps affaibli de sa protégée.
– Tu vois, je t’aime très fort !
Elle est heureuse. Elle rit, se relève, danse, semble nous inviter à partager son bonheur.
– Je vous aime toutes, toutes, très fort !
Le sourire retombe comme un soufflé.
Les yeux se vident.
Mollock murmure des nombres, des choses.
Zéro… six… Lil… sis ?
Des choses qui ne veulent rien dire…
01.
19.
06.
– 01…19…06… Répète Mollock. 01 ! 19 ! 06 ! 0 ! 1 ! 19 ! 0 ! 6 !
De plus en plus fort.
L’écho gambade autour de nous, rebondit sur les parois, devient hurlement, tempête, ouragan.
Et l’averse de coups avec.
01.
Le fleuve de rage se déchaîne. Elle semble s’être démultipliée.
19.
Elle tire, mord, gifle, fracasse.
06.
Elle gifle, étrangle, brise, dévaste.
01.
Ma tête heurte le pavé, douce délivrance.
19.
Jusqu’à mon réveil.
06.
Jusqu’à son retour.
Hein ?
Un éclat jaune, filant sur la pierre.
Puis plus rien.
Lire le textober de la veille : Jour 25 – Tasty