Il paraît que pour faire une bonne histoire, il faut un « bon méchant ». Peut-être est-ce parce qu’il est plus facile de fédérer autour d’une personne à haïr que d’un être à aimer. Peut-être parce qu’une histoire sans méchant, c’est comme une vie sans difficultés, il n’y a pas grand-chose à raconter. Toujours est-il que l’un des points essentiels dans un récit est qu’il doit y avoir une « force négative », qui se traduit souvent par un méchant que doit affronter le héros.

Dans les contes de mon enfance, on ne s’attarde pas sur les motivations ou les origines du méchant, comme pour dire « regardez, oh la la, qu’il est méchant » en le pointant du doigt.

On ne se demande pas pourquoi, ou comment. Il est méchant et le prouve par ses actions.

Un monde juste blanc et noir, en somme. Soit on est gentil, soit on est méchant.

Shan-yu, terrorise les gentils depuis 1998.

La première fois que j’ai éprouvé de l’empathie pour le méchant, c’est quand j’ai commencé à me passionner pour les romans policiers, vers 8 ou 9 ans. Agatha Christie, Sir Arthur Conan Doyle, Maurice Leblanc sont autant d’auteurs qui ont jalonné la fin de mon enfance. Dans ces œuvres-là, les criminels ont généralement un mobile, parfois la vengeance. Le fait qu’ils ne tuent pas par cruauté, qu’ils aient des antécédents, tout cela les rend plus humains. Il faut dire également que les mobiles de ces méchants-là peuvent évoquer des souvenirs à n’importe quel adulte : jalousie familiale, héritage, adultère, perte d’emploi…
J’ai donc revu mon jugement :
« Une bonne histoire a un bon méchant, et le développement psychologique du méchant peut généralement enrichir l’histoire et donner de la valeur aux péripéties. »
Après tout, je n’ai jamais aimé voir le monde de façon manichéenne, alors ça m’arrange !

Bon, ok,  mais c’est quoi exactement un méchant ?

Le méchant, c’est celui qui va s’opposer au héros, lui mettre des bâtons dans les roues. Assez souvent, il est à l’origine de l’élément déclencheur de l’histoire.
J’aime bien comparer le récit à une expérience chimique. Vous trouvez ça bizarre ? Attendez de voir. Je vais opter pour la réaction entre l’eau et le césium tiens, un souvenir de ma première année de prépa…

Pour les petits chimistes, voici la véritable équation : 2 Cs + 2 H2O → 2 CsOH + H2. (merci Wikipédia…)

Vous comprenez l’allégorie ? Le héros et le méchant se confrontent, et c’est ça qui crée le récit. Alors pour ceux qui n’aiment pas la science, voyez les TP de chimie comme un bon film d’action. :p

Pour revenir au sujet, je considère que le méchant est souvent un « héros » dont l’idéal est considéré comme immoral ou incompatible avec les règles de la société, ou qui est prêt à prendre des raccourcis, à tricher pour obtenir ce qu’il veut. Même si parfois son objectif est noble, la façon de l’obtenir ne l’étant pas d’un point de vue moral, on ne peut pas parler de « gentil ».
(Oui, oui, en partant de ce principe on peut estimer que Robin des Bois est un méchant… malheureusement, aux yeux de la loi, il l’est effectivement.)
Il faut préciser que cette règle du « méchant » n’est valable qu’avec les récits qui ont une morale (d’ailleurs, dans ces œuvres en général, le méchant est puni à la fin).

Mais aviez-vous remarqué qu’il existe des histoires dépourvues de vrais « méchants », et qui n’en demeurent pas moins intéressantes ? Allez, un petit exemple.

Le cas Ariel (La Petite Sirène, Disney, 1989)

Personnage qui fait le bien (gentil) :
Ariel
Ce personnage a une fin heureuse.
Personnage qui fait le mal (méchant) :
Ursula
Ce personnage a une fin malheureuse.

Le cas Ondine (La Petite Sirène ou La Petite Ondine, Hans Cristian Andersen, 1837)

Personnage qui fait le bien (gentil) :

???

Personnage qui fait le mal (méchant) :

???

Fait le mal, mais c’est mitigé
La petite sirène : son objectif premier est d’obtenir une âme immortelle en se mariant avec un humain, c’est pas super noble quand même.
Le prince : il est coupable de par sa promesse non tenue
La sorcière : elle a juste demandé paiement en échange de ses services. C’était cher payé mais c’est normal de demander rémunération, donc bof…

Qui est heureux à la fin ? Le prince et la sorcière ne s’en sortent pas trop mal.
On ne peut pas en dire autant de la petite sirène qui n’a pas atteint son but et est séparée de sa famille…

Ici, peut-on vraiment définir un gentil est un méchant ? Pas vraiment. Pour moi, la petite sirène d’Andersen n’est pas un conte moral, bien qu’il enseigne une bonne grosse leçon de vie. Il n’y a donc pas vraiment de « méchant », mais plutôt un protagoniste qui a un but précis, mais se retrouve face à des contraintes : le prix à payer pour obtenir le philtre, le mariage arrangé proposé par les parents du prince… Autrement dit, ce n’est pas la bataille du bien contre le mal qui est le sujet principal de l’œuvre.

En résumé, dans un récit, il doit y avoir quelque chose à opposer à la volonté du héros. Cette force d’opposition n’est pas forcément « méchante », mais elle gêne le protagoniste, volontairement ou involontairement, dans l’atteinte de son objectif. Cette force est parfois liée à l’élément déclencheur de l’histoire. Mais lorsqu’il est question de « méchant », on a généralement affaire à un personnage immoral dont le but s’oppose à celui du héros. Le récit prend alors forme autour de leur confrontation.

Voilà ! J’espère que cet article vous aura plu ! N’hésitez pas à réagir et à donner votre avis, même (et surtout) quand vous ne partagez pas mon point de vue.

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