Cette histoire est extraite du récit : Fragments, qui n’est pas encore paru sur le Café.

Ce récit se déroule dans le même univers que « Proie » et « Rituel » toutes deux accessibles en stories à la une sur Instagram.

L’agacement du Chef Suprême de la Troupe de Dyn était perceptible.

– On peut commencer si vous le souhaitez, hasarda calmement Moebius. Syra connaît le terrain, en tant que Responsable des Cartes. Elle peut déjà nous exposer la situation.

– Je suis là, je suis là, désolée pour le retard ! S’écria Physis, haletante, pénétrant en trombe dans la Salle du Conseil.

– J’ai failli attendre, lâcha le Chef Suprême d’un ton glacial. Bien, il est temps de décider de la stratégie qui nous permettra de libérer le Royaume d’Isius de l’invasion des Obscudors.

——-

La lune s’était levée, ronde, lumineuse. Depuis le sommet de la tour, Möa observait les ombres bleues glisser au gré des nuages.

– Tu ne fais jamais de pause, pas vrai ?

La voix la fit sursauter. Elle ne se tourna pas pour autant. Elle ne voulait pas montrer son visage.

– Ils sont tous partis à Isius, répliqua-t-elle simplement.

Ne pas dévoiler l’expression de son visage.

– Des attroupements d’Obscudors s’agitent au nord et à l’ouest. Il y aura probablement un peu de castagne ce soir.

Ne pas laisser paraître le feu sous sa peau.

– Merci pour le repérage, très bon réflexe ! Approuva Moebius. Je vais m’assurer que tout est en ordre.

– Si tu n’as pas besoin de moi, je descends à la Salle du Joyau.

– C’est un gros cailloux, tu sais, il ne va pas s’envoler !

– Oui mais quand même. Je…

Möa se mordit la lèvre. Son ton trop vif avait trahi son inquiétude. Même dans la nuit, même le dos tourné, il avait dû sentir sa peur.

Embarassée, elle se dirigea vers la sortie. Dès qu’elle l’aurait dépassé, elle pourrait relâcher les muscles de son visage.

– Möa.

L’adolescente se tourna à contre-coeur.

– Tu es consciencieuse et tu as raison. Mais tu verras, ce sera une nuit tranquille.

Elle lui répondit par un sourire qui se voulait détendu. Les apparences ne tiendraient pas longtemps. Elle retenait avec peine des larmes brûlantes.

Möa se rua dans les escaliers, qu’elle descendit quatre à quatre.

Moebius, la Légende. Le chevalier le plus charismatique du Bas-Pays, dit “celui qui se faufile”. Nommé ainsi pour son agilité au combat, mais aussi celle de son esprit.

Elle le détestait. Une seule personne ne peut pas réunir toutes les qualités que ce monde connaisse. C’est de la triche. Ça cache forcément quelque chose.

Elle le vénérait. Pour sa droiture, sa capacité à fédérer, son absence d’orgueil. Sa perfection confortait Möa dans un sentiment d’infériorité. Il y a ceux qui se lovent dans l’ombre, et ceux qui baignent dans la lumière.

——

– Ma parole, vous êtes tous devenus cinglés, ou bien ???

Dans la Salle du Conseil, Eli venait de se dresser hors de son siège, furieuse. La Mage Supérieure était connue pour son tempérament sulfureux qui allait de pair avec une franchise sans demi-mesure.

– Rediriger le gros des monstres ennemis sur la Tour du Joyau, c’est pure folie. Il n’y a quasiment personne là-bas pour la défendre, vous agiteriez un os à moelle juteux sous le nez d’une meute affamée ! Et en plus, vous ne voulez prévenir aucun des concernés !

– Justement, répliqua Moebius d’une voix sereine. Isius sera rapidement épargné.

– Je rejoins l’avis d’Eli, commenta Syra. On ne peut pas perdre le Joyau. Qui est de garde là-bas ?

– Möa y est.

Eli pouffa de rire.

– Vous êtes au courant que Möa n’est pas certifiée, hein, j’espère ? Elle n’a même pas les acquis d’un Mage de niveau 1 !

– Tant mieux, il nous faut challenger ses compétences, déclara Physis. Soit elle réussit, et on la certifie, soit elle échoue, et…

– …et elle meurt, ET on perd le Joyau.

– Dans ce cas, Eli, si tu es si inquiète, tu n’as qu’à la rejoindre.

——

La pierre taillée trônait, immobile, au centre de la Salle du Joyau. La lumière douce de la lune la parait d’un éclat opalescent, presque hypnotique.

Möa enfila son gantelet, orné d’un Qatalysr. Tous les Mages de la troupe invoquaient la pierre à main nue, sauf elle. Ses pouvoirs étaient encore trop faibles…. Sans cet artefact, impossible même d’approcher le Joyau.

Elle avança rapidement jusqu’à effleurer la paroi lisse et chatoyante. Elle dut répéter la formule trois fois avant que la pierre ne daigne réagir. Dès qu’elle vit la lueur émaner du centre de l’artefact, elle se recula, en sueur, affaiblie.

Il valait mieux que la prédiction de Moebius s’avère juste…

L’écho des pas vifs du chevalier se dirigeant vers elle lui indiqua le contraire.

– Möa, tu avais raison, ils sont tout près. Beaucoup trop près. Et de plus en plus nombreux. Les Obscudors vont probablement attaquer la tour par le bas, puis ils comprendront qu’ils peuvent escalader les meurtrières jusqu’à cette salle. Nul doute qu’ils tenteront de s’emparer du Joyau. Et sans lui…

– Sans lui, souffla Möa, terrorisée, nous sommes perdus.

——

– Ok, ok, j’ai compris ! Clama Moebius. Eli n’est pas disponible, le roi d’Isius a exigé sa garde rapprochée et il nous a grassement payé pour cela. Physis ?

– Je… heu… Mais enfin, ça ne peut pas toujours être moi !

– On ne peut pas perdre le Joyau, rappela Syra.

Tout le monde connaissait le verdict.

– On ne prévient pas Möa, insista Moebius. Pas d’angoisse anticipée. Et pour ne pas la laisser seule…

Personne ne souhaitait l’entendre.

– …je serai avec elle.

[À SUIVRE]

La suite de ce textober est sortie le jour 8 ! Lisez-la ici.

Lire le textober de la veille : Jour 2 – Mindless