Cette histoire est extraite du récit : Fragments, qui n’est pas encore paru sur le Café.
Ce récit se déroule dans le même univers que « Proie » et « Rituel » toutes deux accessibles en stories à la une sur Instagram.
Le début du textober du jour est à retrouver au jour 3 : Bait, puis au jour 8 : Frail.
Lorsque la passerelle avait cédé, Möa avait trébuché ; la seconde suivante, elle basculait dans le vide. Elle savait que la chute serait mortelle.
“Regarde, $#ù*% ! Regarde, la mer !”
Une petite fille courait vers les vagues. Elle avait de longs cheveux noirs, tressés en une natte épaisse. Le vent s’engouffrait dans son short multicolore. Un grand sourire éclairait son visage.
Möa se demanda si c’était un souvenir ; elle se sentait tellement distante de la scène…
“$#ù*%, viens, viens voir !” S’écria-t-elle à nouveau.
Le nom qu’elle prononçait était inaudible. Möa tourna la tête afin de voir la personne qu’on appelait avec tant d’enthousiasme…
Il n’y avait personne d’autre sur la plage.
Une tension violente, un bruit de claquement : une main puissante avait saisi son bras.
Moebius n’avait pas abandonné. Il la hissa, lui fit signe de le suivre tandis qu’il se frayait un chemin sur les fragments de pierre encore stables.
Möa observa le trou béant dans la passerelle de pierre en pensant à l’enfant jouant dans l’eau. Depuis que la vague d’Obscudors avait déferlé dans la Tour, elle se sentait emportée par un courant contre lequel elle ne pouvait lutter. Allait-elle se noyer ? Serait elle entraînée jusqu’à la plage, survivant de justesse ?
– Ok, j’ai une bonne nouvelle, je sais comment on va s’en sortir, s’écria Moebius.
– Ah !
– Tu vas activer le Joyau à pleine puissance.
– Ah.
Conclusion : ce serait la noyade. Pour eux deux.
– Tu ne l’as jamais fait, je sais. Mais ça ne veut pas dire que tu n’en es pas capable.
La nausée était trop forte. Möa se pencha en avant, expulsa violemment le contenu de son estomac.
Moebius voulut s’approcher. Elle recula immédiatement, par automatisme. Parce qu’elle se sentait humiliée. Parce qu’elle avait peur. Parce qu’elle était en colère contre lui, et encore plus contre elle-même.
Elle ne pouvait pas le faire. Elle n’était pas un vrai Mage, juste une subalterne, faible et inefficace sans son gantelet…
Le gantelet !
L’adolescente jeta un regard de désespoir au chevalier, en désignant sa main nue.
La masse d’Obscudors les cernait de plus en plus. Ils cherchaient un moyen d’atteindre le lambeau de pont encore stable, au milieu de la Tour.
Ils ne tarderaient pas à trouver.
– Tu veux bien essayer ?
Les migraines de Möa avait commencé. Elle voyait flou et distinguait à peine la forme du Joyau pourtant proche. Sans son artefact, Möa n’était plus rien. la Pierre exerçait une terrible pression sur son esprit, la consumant à petit feu.
Elle coulait.
– Tu veux bien essayer, Möa ?
Avait-elle vraiment le choix ? Valait-il mieux mourir par résignation ou par échec ?
– Tu vas devoir me guider, ordonna-t-elle en levant la tête vers lui, afin qu’il remarque ses yeux gonflés, injectés de sang.
– Alors c’est parti !
Elle pouvait sentir son sourire dans sa voix. Son inconscience la sidérait.
Il lui attrapa le bras et s’élança, Möa sur ses talons. Derrière eux et de l’autre côté du Joyau, les premiers monstres atteignaient la plateforme. Plus que quelques secondes avant la fin.
Les migraines et la nausée la submergeaient ; elle chancelait à chaque pas, hurlait de douleur et de rage. Au bord de l’évanouissement, elle ferma les yeux et se laissa entraîner par Moebius. Au fond d’elle, quelque chose vibrait à contretemps de la pression palpitante du Joyau, toujours plus forte.
– Allez, c’est ton heure de gloire ! Plaisanta Moebius.
Il s’arrêta brusquement, l’attrapa par les épaules, se pencha sur son oreille :
– J’ai confiance en toi, Möa.
Pour l’adolescente, ce fut comme si le temps s’arrêtait. Elle sentit son âme s’effondrer sur elle-même. Son coeur cessa de battre ; elle ne ressentait plus rien, ni le chaos de ses émotions, ni ses angoisses, ni la pression.
Puis Moebius la poussa vers le Joyau. Le temps reprit sa course.
Les hurlements des monstres.
Les tremblements de la passerelle qui ne tenait plus qu’à un fil.
Ses doigts effleurèrent la paroi lisse et froide. Elle se sentit emportée par une vague qui gonflait, se soulevait, de plus en plus puissante. Le chaos devint mélodie ; l’obscurité lui sembla douce ; les peurs se muèrent en complétude. Les vibrations de son âme s’accordèrent avec l’énergie de la Pierre.
La vague était prête à s’abattre avec fracas.
Elle sentit la chaleur l’envahir, jaillir de son corps par les paumes de ses mains, s’écouler dans le Joyau.
Explosion.
La suite de ce textober est sortie le 5 Novembre ! Lisez-la ici.
Lire le textober de la veille : Jour 8 – Frail